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Financement du complexe sportif d’Olembé : les révélations des documents budgétaires

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La question de l’utilisation des 163 milliards de FCFA mobilisés pour la construction du complexe sportif d’Olembé, au nord de Yaoundé, préoccupe l’opinion publique camerounaise. Le débat a repris un nouvel élan avec la signature par le président de la République, d’un décret habilitant le ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat)

à formaliser une nouvelle convention de prêt de 55,16 milliards de FCFA, pour « le financement du projet d’achèvement des travaux de construction » de la même infrastructure.

Cette décision présidentielle relance surtout les suspicions de malversations qui planent sur la construction de ce complexe sportif, dont les travaux ont débuté le 7 mars 2017. « Le niveau astronomique du montant de cette convention de crédit laisse perplexe en même temps qu’il est potentiellement porteur de forts soupçons de détournement », écrit, par exemple, le député Jean Michel Mintcheu, membre du parti d’opposition Social Democratic Front (SDF), dans un courrier adressé le 19 février au secrétaire général de la présidence de la République (SGPR), Ferdinand Ngoh Ngoh, qu’il présente comme le « président de la task force de la CAN [Coupe d’Afrique des nations] 2022 ».  

Ce nouvel emprunt devrait en effet porter à un peu plus de 218 milliards de FCFA le montant total des accords de financement obtenus pour ce complexe. Or son coût initial, rendu public, était de 163 milliards de FCFA. Ce budget avait déjà été bouclé à travers trois conventions de prêt signées en août 2016 avec les banques nigériane UBA (24,5 milliards) et italienne Intesa Sanpaolo (138, 538 milliards). Aidés par le silence du gouvernement, ceux qui, comme l’élu du SDF, soupçonnent des malversations financières font l’hypothèse que tous ces crédits ont déjà été consommés. Et au regard de l’état d’avance des travaux, la rallonge budgétaire autorisée par le président de la République est « astronomique ».

Suivi financier à la peine

Après avoir consulté plusieurs notes de conjoncture de la dette publique et des documents budgétaires, on en ressort avec une certitude : le crédit de la banque UBA a été totalement débloqué. Mais des zones d’ombre demeurent sur le sort du financement obtenu de Intesa Sanpaolo. Même au ministère des Sports (Minsep), maître d’ouvrage du projet et responsable du programme « développement des infrastructures sportives », tout le monde n’y voit pas clair.

« Les acteurs de la chaîne d’élaboration des documents budgétaires du Minsep ont toujours présenté la difficulté du suivi financier des grands projets à financement extérieur (Finex) de la CAN, notamment les stades d’Olembé, de Japoma, de Roundé-Adja de Garoua, etc. », apprend-on du rapport final de validation technique du cadre des dépenses à moyen terme (2021-2023), rédigé par la cellule de l’élaboration du programme d’investissement prioritaire et des cadres des dépenses à moyen terme (CPIP-CDMT), logée au Minepat. Pour justifier cette difficulté, le document indique que ce suivi est fait par « d’autres instances », sans préciser lesquelles.

Ce que l’on sait à ce jour c’est que les financements obtenus de Intesa Sanpaolo font l’objet de deux accords de financement distincts, figurant dans la liste des 243 conventions de prêts annexée à la loi de finances 2021 : un « crédit commercial » de 27,027 milliards de FCFA et un « crédit acheteur » d’un montant de près de 111,52 milliards de FCFA. Dans ce dernier type d’accord, encore appelé « crédit export », le partenaire financier s’engage à mettre à la disposition de l’emprunteur les fonds nécessaires pour régler un fournisseur précis. Dans le cas d’espèce, Intesa Sanpaolo s’engageait à mettre à la disposition de l’État du Cameroun des fonds nécessaires pour régler Piccini, adjudicataire du marché de construction du complexe d’Olembé.

Disponibilité des crédits

En principe, la résiliation du contrat avec le constructeur italien aurait donc dû entrainer la fermeture de la ligne de « crédit acheteur » de 111,5 milliards ouverte auprès de Intesa Sanpaolo, et la suspension du décompte des décaissements. Dans un post sur sa page Facebook, l’universitaire Eloi Cyrille Tollo, réputé proche du SGPR, laisse penser que seuls 113 milliards avaient déjà été décaissés sur l’enveloppe totale de 163 milliards au moment de l’abrogation du contrat de Piccini et la conclusion d’un nouveau marché avec le Canadien Magil.

Des faits troublent néanmoins cette affirmation. En effet, fin juillet 2019, le président du groupe italien, Makonnen Asmaron, en personne, débarque au Cameroun pour solliciter une convention de cautionnement en vue de lever auprès des banques locales un « financement supplémentaire », destiné à achever l’infrastructure alors que la date de livraison initiale (septembre 2018) était échue. Moins de deux mois plus tard, le ministre des Finances reçoit le président directeur général (PDG) de BGFIBank. Au sortir de cette audience avec Henri-Claude Oyima, Louis Paul Motaze déclare que « Piccini recevra des financements supplémentaires pour achever les travaux de construction du stade d’Olembé ».

Dans la dernière note de conjoncture de la dette publique, publiée en octobre 2020 par la Caisse autonome d’amortissement, le gestionnaire de la dette publique, on apprend d’ailleurs que le dernier décaissement de la banque Intesa Sanpaolo, impliquée dans d’autres projets, au bénéfice du Cameroun était de 13,119 milliards de FCFA et remonte aux premiers mois de 2019.

Néanmoins, fin 2020, le Parlement adopte la rallonge budgétaire de plus de 55 milliards de FCFA pour la « poursuite des travaux de construction du complexe sportif d’Olembé » contenu dans le cadre de dépenses à moyen terme (CDMT) 2021-2023 du Minsep qui accompagne le projet de loi de finances 2021. C’est sur cette loi que s’appuie Paul Biya pour apprendre le décret habilitant le Minepat à signer la convention de prêt. Pour 2021, la loi de finances a d’ailleurs prévu d’injecter 16 milliards de FCFA dans ce projet, soit un milliard en ressources propres et 15 milliards en ressources extérieures.

État d’avancement des travaux de construction du complexe sportif d’Olembé*(fait par le Premier ministre le 25 novembre 2020 à l’Assemblée nationale)

  • Le stade principal 60 000 places (95%) ;
  • Deux stades annexes de 1 000 places chacun (92%) ;
  • Le centre commercial (75%) ;
  • L’hôtel 4 étoiles de 70 chambres (55%) ;

*On remarque qu’on ne parle plus d’un hôtel 5 étoiles mais 4 étoiles. Par ailleurs, il n’est pas évoqué le gymnase ; les terrains de tennis, handball et basket-ball ; la piscine olympique ; le musée et la salle de cinéma.

Aboudi Ottou et Dominique Mbassi

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